L’Empire Inca était le plus vaste de l’Amérique précolombienne. Sa fulgurante expansion, son organisation et sa puissance n’ont cessé d’impressionner. Son territoire qui s’étendait alors de la Colombie au Chili, regroupait des milliers de peuples. Son histoire est terrible et captivante, mais bien d’autres civilisations passionnantes ont peuplé et dirigé les terres péruviennes avant la domination des Incas.
Les Chimus, peuple de pécheurs au milieu du désert
Ce sont dans les régions du nord du Pérou, à partir de Trujillo, ancienne ville coloniale aujourd’hui truffée de cathédrales et de coccinelles, que nous découvrons les fascinantes civilisations Chimus (prononcé “chimou”) et Moches (prononcé “Motché”).
Situé au fond d’une vallée fertile, le royaume de Chimor (ou le royaume des Chimus) connu son apogée entre le onzième et le quinzième siècle, un demi-siècle à peine avant l’arrivée des conquistadors espagnols. Huit rois se succédèrent, dominant à chaque génération de nouveaux peuples. Les ruines de Chan-Chan, ancienne capitale du royaume, se trouvent à seulement quelques kilomètres de la ville moderne de Trujillo.
Nous partons à la découverte de Chan-Chan en bus. Le conducteur nous dépose aux portes de la ville, devant un grand désert. Nous marchons le long d’une route sans fin qui s’enfonce dans une vaste étendue de terre ocre. De part et d’autres, se dressent de grandes murailles de sable, vestiges dévastés d’une civilisation disparue. Tandis que nous avançons dans ce décor asséché, des vautours planent au-dessus nos têtes.
La route nous mène jusqu’au palais de Aik-Ai, un ancien édifice religieux entièrement construit en adobe et entouré de murailles allant jusqu’à cinq mètres de haut. Sur les façades des différentes pièces, nous admirons des représentations de poissons, de filets de pêche, de cormorans et d’autres animaux étranges sculptés en bas-relief. On y voit aussi des représentations de Shi (la pleine lune), dieu principal des Chimus. Perdus dans de grands espaces vides et monochromes, nous essayons de nous projeter quelques siècles en arrière, imaginant le riche palais Aik-Ai plein de vie et de couleurs.
L’empire des Moches
Nous quittons le royaume de Chimor pour nous projeter encore plus loin, à l’époque des Moches, au tout premier millénaire de notre ère. La civilisation des Moches aurait disparue vers l’an sept cent suite à des changements climatiques dû au phénomène El Niño et à de nombreux tremblements de terre.
Au pied de la montagne Cerro Blanco, reposent depuis près de deux milles ans les « Huacas del Sol y de la Luna » (temples du soleil et de la lune). Malgré ce que l’on pourrait croire, les Moches ne divinisaient ni la lune, ni le soleil. Ces noms ont été attribués bien plus tard par les Incas qui se sont emparés de la vallée de Mochica.
Les temples, inachevés, ont été construits en forme de pyramides gigantesques. Chaque souverain faisait édifier un temple sur un niveau. A sa mort son successeur en faisait alors construire un nouveau par-dessus, recouvrant entièrement l’ancien de millions de briques et de nouvelles fresques. Une pratique surprenante que nous n’avions rencontrée nulle part ailleurs.
Alors que la « Huaca del Sol » était dédiée aux tâches administratives et aux réunions politiques, la « Huaca de la Luna » était réservée aux cérémonies religieuses. Entre ces deux imposants édifices vivaient alors les travailleurs, pour la plupart des artistes ou des artisans. De nos jours, de l’ancienne cité Moche, il ne reste que des morceaux de poteries épars et de murs écroulés. Seul le temple du soleil peut se visiter, son homologue étant encore recouvert de sable.
Nous nous promenons entre les différents niveaux du temple du soleil, sous le regard terrifiant d’un dieu étrange aux canines acérés et aux yeux exorbitants. Les murs sont recouverts de peintures répétées représentant la face terrifiante du dieu « Décapiteur », principale déité des Moches. Sous nos pieds sont enterrées et oubliées à tout jamais, les histoires d’une civilisation vieille de plus de deux millénaires !
Nous visitons également le musée qui se trouve sur le site. Des centaines de céramiques, pour la plupart retrouvées dans les temples, y sont exposées. Habituellement ennuyés devant les poteries et les vases, nous trouvons ce musée passionnant. Les vases prennent les formes d’êtres humains, d’animaux ou de créatures bizarres. Les Moches ne connaissaient pas l’écriture et ces objets sont une vrai mine d’informations : on peut y deviner leur mode de vie, leurs croyances, leurs rites…. Certains vases représentent des musiciens, d’autres des guérisseurs, des guerriers (dont un étonnant soldat canard) ou encore des indiens ayant les joues gonflés, rappelant ainsi les cérémonies de Mamakuka (la mère coca, feuille sacrée des indiens), une pratique qui leur permettait de communiquer avec les autres mondes.
Le nez dans le nombril du monde à Cuzco
Beaucoup d’édifices précolombiens ont été démolis après la conquête espagnole. Cependant, Cuzco, l’ancienne capitale des Incas, le centre de l’Empire jadis appelé « le nombril du monde », n’a pas totalement disparue. C’est l’une des rares villes dans laquelle on peut encore voir des murs d’origine, des murs de pierres énormes, maintenues sans ciment et dans un ajustement parfait, résistant aux fréquents tremblements de terre. Ne pouvant détruire ces constructions, les espagnols ont dû s’adapter. Ainsi, c’est sur les fondations du palais de l’empereur Viracocha Inca que repose aujourd’hui la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption.
Le centre de Cuzco est très touristique, mais le mélange des cultures espagnoles et péruviennes est omniprésent. Dans les églises, des feuilles de coca ornent les statues de la vierge Marie et le tableau de la Cène montre la Christ partageant le « cui » (cochon d’Inde) et la « chicha » (alcool local) avec ses disciples. Régulièrement, nous nous arrêtons dans des boui-bouis un peu excentrés où les petits vieux, tous tournés vers l’écran de télévision, viennent déjeuner. Les rues sont sans cesse animées. Un jour, ce sont les défilés de coiffures qui rassemblent les habitants, d’autres jours ce sont des spectacles ou des processions religieuses.
A la nuit tombée, les montagnes qui entourent la ville s’illuminent, semblables à des tapis de lumières blanches, jaunes et vertes. Le Christ Blanc, grande statue blanche érigée au sommet d’une colline, semble suspendue dans le noir.
A quelques kilomètres de l’ancienne capitale Inca, se situe la « vallée sacrée », un lieu très important pour les indiens, notamment pour ses richesses naturelles. Sur les hauts-plateaux qui dominent la vallée s’étendent les salines de Maras. Ces salines ont joué un rôle économique majeur pour les civilisations pré-incas qui utilisaient le sel comme monnaie d’échange. Alimentées par un ruisseau sous-terrain, elles forment des terrasses aux parcelles rectangulaires, plus ou moins blanches, plus ou moins inondées d’eau et s’étirent sur plusieurs centaines de mètres. Des femmes, le dos courbé, sont affairées à récolter le sel.
Les jardins suspendus du Machu Pichu
Nous ne choisissons pas le moyen le plus facile pour nous rendre à Agua Caliente, la vile située au pied du Machu Pichu. Nous empruntons d’abord plusieurs collectivos (des minibus) et taxis partagés. Nous serpentons sur des routes à flanc de falaise à une vitesse effrénée et traversons les rivières sur des petits ponts étroits qui ne nous paraissent pas très solides, tandis que de merveilleux paysages montagneux s’offrent à nous. Le dernier chauffeur nous dépose près d’une station ferroviaire. Nous longeons les rails qui s’enfoncent dans la forêt, une marche de deux heures qui nous mènera jusqu’à Agua Caliente, ville artificielle coincée entre une cascade d’eau et la voie de chemin de fer. D’immenses montagnes nous encerclent. Nous nous demandons avec beaucoup d’excitation et un peu d’appréhension laquelle est celle que nous grimperons le lendemain, laquelle est le Machu Pichu.
Enfin, le grand jour ! Nous nous levons avant l’aube pour gravir péniblement les mille deux cents marches qui zigzaguent au cœur de la forêt. Il n’y a personne, pas un bruit. Chaque pas nous rapproche un peu plus de notre but. Nous arrivons à l’entrée du site exténués. Les autres touristes, venus en bus, tout frais et bruyants, commencent une longue série de selfies.
La cité est enveloppée dans un brouillard épais. Nous nous installons sur les terrasses et attendons. Progressivement la brume se dissipe et nous laisse apercevoir la célèbre cité de l’Inca, entourée de quatre grandes montagnes. Nous l’admirons bouche bée, émerveillés et intimidés.
Nous nous collons à un groupe de touristes pour profiter des informations données par un guide francophone. Nous apprenons que les petites terrasses en étages, au bord du vide, servaient à solidifier la montagne tandis que les terrasses plus grandes étaient réservées à l’agriculture. Nous abandonnons notre groupe de français pour nous aventurer sur le “pont Inca”. C’est l’arrivée d’un ancien chemin étroit taillé à flanc de falaise. Nous tentons de nous représenter les indiens, empruntant ce dangereux passage avec leurs ânes et leurs chargements.
Nous essayons de nous égarer dans le dédale des innombrables couloirs et escaliers que compte la cité. Nous passons dans le secteur agricole, temple du soleil, maison de l’Inca, l’observatoire astronomique, le temple du condor…. Nous sommes impressionnés par tout ce que nous voyons. Les ruines sont dans un excellent état mais les visiteurs et les gardes sont partout, et nous ne pouvons pas jouer les explorateurs.
Nous grimpons vers la porte du Soleil. Le ciel se découvre. La cité, éclairée par la douce lumière du soleil semble rayonner. Nous réalisons alors à quel point le Machu Pichu est caché par les grandes montagnes qui l’encerclent et nous nous rendons compte du travail colossal abattu par les Incas.
Hypérou, Supérou, à deux pas de chez vous
Lors de notre voyage au Pérou, nous réalisons que nous ne savons rien des cultures indiennes. Avant de nous remplir de connaissance, nous prenons la mesure de notre ignorance, de notre vide culturel. Dans les musées comme sur les sites archéologiques, tout nous paraît nouveau, fascinant, incroyable. Nous sommes très loin de l’image de l’indien en pagne avec des plumes dans les cheveux qui ne connaît pas la roue. Chavin, Nazca, Pukara, Tiawanako et bien d’autres encore, chacune de ces civilisations a laissé derrière elle des traces de grandes avancées scientifiques et de pratiques artistiques évoluées que nous ne nous lassons pas de découvrir.
- nous visitions des catacombes avec des squelettes humains
- nous admirions une représentation du Christ posant avec un « cui »
Romain
Vous pouvez prolonger la visite du site du Machu Pichu avec les magnifiques panoramas de ce site : http://www.airpano.ru/files/Machu-Picchu-Peru/2-2