Animés par le désir de découvrir un nouveau pays et de nouvelles cultures, nous traversons la frontière laotienne écrabouillés à l’arrière d’un bus bondé de sacs de poireaux et de carottes. A travers les vitres sales nous apercevons les premières images du Laos, augmentant notre excitation et notre curiosité : des villages perdus dans une vallée tropicale, des jeunes filles cachées sous des ombrelles colorées, des maisons en bois, de petites parcelles de cultures, des enfants partout. Nous sommes impatients de quitter ce bus, de goûter à la douceur de vivre du Laos et d’aller à la rencontre de ses habitants.
Le bus nous dépose dans la rue touristique de Luang Namtha. Une allée bordée de bars, de restaurants et de maisons d’hôtes, où se promènent bien plus d’occidentaux que de laotiens. Installés devant une bière bien fraîche, nous nous demandons ce qui nous attend vraiment au Laos, quelles sont les aventures et les expériences que nous allons y vivre. Saurons-nous échapper aux sites touristiques et découvrir un pays plus authentique ?
La province de Luang Namtha abrite l’un des plus vaste parc naturel protégé du pays. Entouré par la Birmanie, la Chine et le Vietnam, le nord Laos est en majorité peuplé de minorités ethniques. Nous partons pour une excursion de plusieurs jours, combinant de la marche dans la jungle, la descente de la rivière Nam Ha en kayak et la visite de villages khamus
Apprendre la forêt
Nous pénétrons lentement dans la jungle, accompagnés de nos deux guides d’origine khamu : Tôm, guide local, et Sonn, qui parle très bien anglais. Tôm nous ouvre le chemin, écartant les éventuels obstacles à l’aide de sa machette. Quant à Sonn, il met un point d’honneur à nous prévenir de tous les dangers : « Attenchon cha gliche ! Attenchon la tête ! ».
Au fur et à mesure de notre progression, ils nous expliquent l’utilité des différentes plantes :
– celles utilisées comme remède (contre les maux de têtes, les problème de digestion, etc…)
– celles qui sont nuisibles comme les jeunes bambous recouverts de poils urticants ou celles qui sont empoisonnées
– et toutes les autres qui sont couramment utilisées dans la cuisine laotienne
Nous goûtons plusieurs fruits et plantes, certains très amers, d’autres acides ou sucrés. Nous essayons également le rotin qui n’est pas mauvais du tout. Nous sommes impressionnés par la connaissance de la forêt de nos guides.
Nous nous arrêtons pour nous reposer et déjeuner sur des feuilles de bananiers fraîchement cueillies. Au menu, nous avons du riz collant, nourriture de base des laotiens, des œufs, du poisson frit, de la purée de potiron et une sauce délicieuse à base de tomate. Un véritable festin ! Nous jetons les premiers grains de riz dans la forêt pour contenter les esprits. Les khamus sont animistes et croient aux esprits de la nature, de la terre, de l’eau et du feu.
Avant de nous quitter pour rejoindre son village, Tôm nous averti d’un nid de guêpes géantes sur notre chemin, sans plus de précision. Mais cela ne nous arrêtera pas. Nous poursuivons courageusement notre marche. Un sentier barré ; les cendres d’un feu éteint ; les terribles guêpes sont là ! Nous contournons le nid, suivant Sonn d’un pas prudent en essayant de ne pas faire craquer les branches sous nos pieds. Nous nous croyons hors de danger quand Romain s’arrête brusquement. Un long serpent vert se promène sur une branche au dessus de sa tête. Apeuré par notre présence, il va vite se cacher dans les arbres. D’après Sonn, il s’agirait d’un serpent venimeux.
Nous descendons ensuite vers la rivière, prenant grand soin de glisser le bas de nos pantalons sous nos chaussettes et d’arroser nos chaussures d’anti-insectes afin d’affronter nos plus redoutables ennemis : les sangsues. Nous en croisons quelques unes, s’agitant à nos pieds mais elles sont vites repoussées par l’odeur des répulsifs. Quel soulagement !
Alors que nous approchons du village de Nam Ha, nous croisons quelques hommes munis d’arquebuses artisanales partant à la chasse d’un cochon sauvage qui serait en train d’endommager les rizières. Nous échangeons des « Sabaïdiii ! » (« bonjour » en laotien) et de larges sourires.
202 habitants, un chaman et des milliers d’esprits
Nam Ha est un tout petit village khamu de 202 habitants, dont 106 femmes. Le village est constitué d’une vingtaine de maisons sur pilotis autour desquelles se promènent chiens, poules et cochons. Les enfants, très nombreux, s’amusent avec des bâtons et des bouts de bois. Ils sont tous à l’extérieur et l’école semble quelque peu abandonnée. Alors que la lumière commence à baisser, quelques jeunes filles, enveloppées dans des sarongs, vont se baigner dans la rivière. Les vieilles dames, la pipe au coin de la bouche, allument des feux de bois près de leurs maisons pour lutter contre la fraîcheur de la nuit.
Après un bon repas à base de riz collant, nous nous rassemblons autour du feu avec notre famille d’accueil et quelques amis, sous un ciel parsemé d’étoiles. Ils parlent d’un endroit sacré, à la sortie du village, où les esprits se manifestent les jours de malchance. Un peu plus loin, les enfants qui courent avec leurs lampes torches sont comme des lucioles qui dansent dans la nuit.
Coups de pagaies dans la jungle
Nous faisons la grâce matinée jusqu’à sept heures. Les villageois, debout depuis déjà trois bonnes heures, ont eu le temps de nettoyer leur maison, préparer les repas de la journée et d’aller œuvrer dans les rizières.
Nous prenons un petit déjeuner roboratif à base de riz collant avant d’attaquer la descente de la rivière Nam Ha en kayak. Nous naviguons à travers une forêt luxuriante. Bercés par le bruissement de l’eau, nous nous laissons glisser sur les flots, fascinés par les arbres immenses qui nous entourent. Nous ne croisons personne si ce n’est quelques sauterelles et araignées géantes. Ces moments de sérénité sont interrompus par la traversée de rapides assez violents qui nous maintiennent éveillés.
Nous arrivons au village de Koïleu tout trempés ; un village khamu très similaire à celui que nous venons de quitter. La vie dans ces villages nous semble au premier abord très agréable, calme et reposante. Cependant, nous découvrons petit à petit les difficultés de ce mode de vie : l’absence d’eau courante dans les maisons, les problèmes d’électricité et surtout le manque de soin médicaux. Kip, guide anglophone qui nous a rejoint pour cette journée, nous explique que l’espérance de vie des laotiens et particulièrement celle des villageois est très basse. Les personnes souffrantes ont coutume de consulter le chaman du village qui leur prodigue des soins à base de plantes, mais cela est parfois bien insuffisant.
Kip nous présente notre famille d’accueil : il y a le père, son fils Keu qui sera notre guide le jour suivant, et sa fille avec son mari et son bébé. La maison ne comporte que deux pièces, une qui sert de chambre et l’autre qui sert de salon, de cuisine et également de chambre. Nous nous installons en tailleur autour de la table basse et savourons notre dîner ensemble. Des amis de la famille viennent ensuite nous rejoindre. Regroupés près de la télévision, nous regardons des DVDs de mariages laotiens.
Du bruit dans la forêt
Le lendemain, nous passons une matinée des plus tranquilles, à flâner dans le village, attendant que la brume se dissipe. Des musiques khmers et occidentales résonnent dans tout le village. Les habitants ont fini leur travail la veille et c’est aujourd’hui un jour de repos. Nous regardons les garçons jouer au takraw, un jeu proche du volley ball qui se joue avec une balle en rotin.
Nous reprenons notre trek à travers la jungle. Nous traversons la rivière sur une barque et gravissons la colline sur des sentiers glissants quand un bruit grandissant se fait entendre, tel un troupeau de chevaux au galop se dirigeant droit vers nous. Une intense pluie tropicale approche à grand pas. Les nuages déversent leur lourd contenu sur la jungle. Les trombes d’eau nous font reculer sous des branchages plus épais ; les lourdes gouttes d’eau frappent avec violence les feuilles. Inquiets de ne pas pouvoir poursuivre notre ascension, nous patientons quelques instants. Les chemins déjà boueux pourrait vite se transformer en toboggans. Petit à petit, le vacarme diminue et la pluie laisse place à un soleil radieux.
Nous nous installons au sommet d’une colline pour préparer une soupe de rotin et déjeuner. Nous aidons Kip à allumer un feu avec des branchages humides pendant que Keu va chercher du rotin, du bambou et des feuilles de bananier dans la jungle. Il sculpte dans un bambou un tube qui servira de « casserole » et un autre, ouvert sur le côté qui fera office d’écuelle. Tandis que la soupe de rotin, de buffle et d’oignons bout dans le bambou posé dans le feu, nous fabriquons des cuillères en feuille de bananier. Nous dégustons le tout avec, vous l’aurez deviné, du riz collant.
Nous descendons la colline par des chemins rendus spongieux par les restes de troncs d’arbres rongés par les termites et la pluie. Alors que nous revenons au village de Koïleu, des femmes venant des rizières et ployant sous le poids d’énormes sacs de riz nous accompagnent.
Grâce à cette excursion, nos peurs concernant notre voyage en Asie du sud-est se sont vite dissipées. Malgré un tourisme très développé, nous pouvons nous perdre dans des villages reculés et vivre des expériences humaines magnifiques. Sans parler notre langue, les tribus isolées du nord-Laos nous auront beaucoup appris sur la vie et sur nous même.
C’était la première fois que :
- Romain mangeait du rat
- nous goûtions au lao lao, alcool local à base de riz
- nous ne coulions pas en kayak
Gabi & Nico
C’est marrant, on reconnait des gens qu’on a rencontré pendant notre trekking 🙂 La photo de la petite fille contre la porte est magnifique!
Romain
Nous étions étonnés de ne pas vous y croiser 😉
mathieu
yop, ca fait un bout de temps qu on a pas eu de nouvelles ! z avez plus internet ou vous etes en vacances (ca qui serait un comble!)
Romain
Nous sommes au Myanmar en ce moment.
Il est difficile d’y trouver du wifi et le débit est ridicule. Charger une page web nous prend de longues minutes.
Nous faisons donc une petite pause forcée au niveau du blog.
Il repartira sur les chapeaux de roues quand nous reviendrons en Thaïlande :o)
Paul
Continuez à profiter les cocos !
RAMIREZ
Bonjour,
Je lis votre récit avec plaisir. Je serai au laos en nov. Pourriez vous me dire avec quelle agence vous avez fait votre trek a luang namtha? Et pour quel tarif.
Un grand merci
Bonne route