Calme et repos au dessus des eaux furieuses du Yang-Tsé-Kiang

Les Gorges du Saut du Tigre comptent parmi les canyons les plus spectaculaires. Près de quatre mille mètres séparent les sommets du mont Haba des eaux puissantes du Yangzi Jiang (Yang-Tsé-Kiang), le plus long fleuve d’Asie. Des falaises vertigineuses enserrent les eaux torrentielles en provenance des terres enneigées du Tibet, créant des rapides violents.

« Le Yang-tsé-Kiang n’est pas un fleuve, c’est une avenue. Une avenue de 5000 km qui dégringole du Tibet […] Puis au milieu, il y a des tourbillons d’îles flottantes avec des orchidées hautes comme des arbres. Le Yang-tsé-Kiang, camarade, c’est des millions de mètres cubes d’or et de fleurs qui descendent vers Nankin […] « 

Jean Gabin, un singe en hiver

La randonnée dans les gorges peut se faire en une seule journée mais nous décidons d’y consacrer plusieurs jours afin d’en profiter pleinement. Plusieurs villages habités par des familles Naxi, peuple de pasteurs nomades du Tibet, permettent des pauses idéales sur le parcours.

Des sentiers étroits et dangereux nous emmènent du village de Qiaotou à celui de Nuoyu. Une route est en construction et nous sommes pris dans d’énormes nuages de poussières soulevés par les engins.

Nous faisons une première halte à la Naxi Family Guesthouse, une maison d’hôtes très accueillante. Dans la cour intérieure, des épis de maïs, des courges et des piments rouges sèchent au soleil. Les murs sont recouverts de plantes et de fleurs aux couleurs vives ; un lieu agréable où règne un calme relaxant, chose rare dans l’Empire du Milieu.

Elle offre une vue spectaculaire sur le soleil couchant qui illumine les monts enneigés d’une lumière dorée. Nous partageons le dîner avec de nouvelles amies pendant que le froid s’installe progressivement. Vêtus de gros pulls et de manteaux, nous passons la soirée silencieusement dans une atmosphère sereine. Tandis que Romain traque le wifi dans la cour intérieure, Leslie, célibataire et solitaire, dessine des paysages montagneux sur des cartes postales vierges qu’elle expédiera à sa propre adresse.

Revigorés par une bonne nuit de sommeil et un délicieux plat de riz frit, nous sommes prêts à partir. Seuls sur les sentiers, nous adaptons un rythme de marche lent, savourant au maximum ces lieux paisibles. Assis au sommet des rochers nous faisons résonner des accords de ukulélé sous la présence imposante des montagnes. Nous profitons d’une vue époustouflante au point culminant du sentier, à plus de 2500 mètres d’altitude.

Nous déjeunons au village de Yacha, où nous rencontrons par hasard Gabriella, sa maman et Nicolas de Funnelogy Channel. C’est la sixième fois que nous nous croisons depuis le début de notre voyage ! Nous passons l’après midi ensemble, sur des chemins étroits taillés dans la montagne. Une joyeuse marche dans un décor spectaculaire.

Nous nous quittons au village Bendiwan tandis que le jour laisse place à la nuit. Nous nous installons dans la Halfway guesthouse, une maison d’hôtes avec une vue imprenable sur les montagnes. Il est possible de contempler ce spectacle sur la terrasse, de sa chambre et même à partir des toilettes, largement ouvertes sur la vallée.

Le lendemain, nous partons le cœur léger en fredonnant des airs joyeux à travers un champ de marijuana. Du haut de notre sentier nous observons les eaux furieuses du fleuve à des centaines de mètres en contrebas.

Assis au dessus du vide, nous ne voulons plus rejoindre la vallée. Cette randonnée est pour nous une délicieuse accalmie dans l’agitation de la Chine moderne. Il nous faudra bien redescendre mais pour l’instant nous ne touchons plus terre.

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