Ville de légende qui a vu partir les chercheurs des Cités d’Or, port fortifié convoité par les pirates des Caraïbes et la Couronne Espagnole, centre de pouvoir où transitait l’or issu des pillages des empires aztèque et inca, lieu symbolique où sont nés les mouvements de libération menés par Simon Bolivar : c’est dans cet Eldorado chargé d’histoire, à Carthagène des Indes, que nous décidons de nous arrêter durant trois semaines afin de suivre des cours d’espagnol.
Située sur la côte septentrionale de la Colombie, au bord de la mer des Caraïbes, Carthagène est aujourd’hui la ville la plus touristique du pays. Pour des raisons économiques, nous choisissons de nous installer dans le quartier excentré de la Popa.
Le bus nous dépose non loin de notre nouveau domicile. Dans un espagnol très approximatif, nous demandons notre chemin à une famille de commerçants tranquillement assis devant leur tienda (boutique). Ils sont surpris de voir des touristes et nous conseillent de ne pas nous aventurer seuls dans le quartier avec nos sacs au risque de nous faire dépouiller. C’est donc notre logeur, Chris, un sympathique parisien installé en Colombie, qui viendra nous chercher. Notre appartement se situe près d’une favela. Chris nous recommande ne pas nous y promener à la nuit tombée. Tout cela ne nous rassure pas.
Sais-tu danser la carioca ?
« Centro ! centro ! » annonce le rabatteur accroché à la porte du bus. Le chauffeur ne prend pas la peine de s’arrêter. Nous sautons dans le vieux véhicule en marche en direction du centre historique. Une épaisse muraille de onze kilomètres de long encercle des quartiers regorgeant d’églises magnifiques et d’anciens édifices rénovés. Chaque maison est une merveille : murs de pierre, balcons en bois ornés de fleurs, anciennes portes massives, patio fleuri. Les églises, très différentes des nôtres, montrent des statues de Jésus, couvert de plaies et de sang, se traînant à terre, écrasé par le poids de la croix. Les musées, les cathédrales, les places, tout ici nous renvoie au passé historique de la ville.
Cependant, le charme de ces lieux ne réside pas uniquement dans son architecture et ses attractions touristiques. Carthagène c’est avant tout une ambiance, une atmosphère, un mélange de peuples et de cultures indiennes, créoles et espagnoles. Gestsemani, là où vivaient jadis les marchands et les artistes, est notre quartier préféré. Non pas parce que c’est là que se trouve notre école mais parce c’est ici que nous goûtons pleinement à cette « ambiance caraïbes ». Les rues et les places sont constamment animées. Tandis que dans un coin un vendeur crie « pescado fresco ! pescado fresco ! » (poissons frais), d’autres se promènent avec leur charrette pleine de fruits exotiques ou d’énormes avocats. Des vendeurs de tinto (café noir), munis de thermos d’eau chaude déambulent dans les rues. Les habitants, installés devant leur maison sur des chaises en plastique, discutent tranquillement sans se soucier du temps qui passe. Ils nous interpellent avec des « amigos », « mi amor » ou des « mi corazon ». Se promener dans les ruelles et s’arrêter sur une grande place pour savourer des délicieux jus de « maracuya » , de « tomate del arbol » (tomate de l’arbre) ou de « lulo » en contemplant la vie dans ces quartiers est un véritable plaisir. Chaque soir, les danseurs, jongleurs et cracheurs de feu nous émerveillent.
Du matin aux heures les plus tardives de la nuit, l’âme de la ville vibre pour la musique. Elle sort des fenêtres de bâtiments coloniaux décrépis, par les portes des bars dansants, des taxis jaunes ou d’antiques lecteurs de cassettes portatifs posés sur les places par des loufoques romantiques. Elle nous accompagne dans toute la ville et nous donne, à nous, d’habitude si raides et guindés, des envies de danser dans les rues.
Débordant de chaleur, de saveurs et de musique, Carthagène est un lieu qui invite à la détente, à la fête, à l’ivresse.
Yo no soy Starbuck ! Yo no soy ! Yo no soy !
L’enivrement se poursuit jusque dans notre école : ainsi lors de notre premier jour, les professeurs, vêtus de tenues colorées nous offrent des bières et nous font des démonstrations de danses traditionnelles.
Les cours se déroulent en petit groupe dans une ambiance décontractée. Les professeurs sont indulgents mais aiment se moquer de notre prononciation. Notre vocabulaire en espagnol étant très restreint, nous parlons souvent une drôle de langue, certes proche de l’espagnol mais que les enseignants ne comprennent pas toujours.
Désireux d’entrer pleinement dans la culture “colombienne-carïbéenne”, nous nous laissons tenter par des cours de salsa et de bachata proposés par l’école. Le jeune Alejandro, notre professeur, ne cesse de nous répéter avec un ton des plus sérieux : “muy muy muy sensual !” . Voici le genre de vidéo que nous montre Alejandro pour nous inspirer : vidéo
Durant ces trois semaines, nous adoptons une routine : nous nous levons chaque matin de bonne heure, prenons le taxi pour l’école en écoutant des annonces publicitaires à la radio : “Muchas chicas ! Maaas ! Muuucho maaas”. Nous assistons aux cours, allons chercher des salades de fruits au coin de la rue durant les pauses, déjeunons avec nos camarades, passons l’après-midi à la bibliothèque ou au café Juan Valdes (le Starbuck de la Colombie) en quête d’un peu de fraîcheur et profitons de l’ambiance de la ville le soir.
Notre quotidien n’a rien d’exceptionnel et pourtant cela nous fait du bien d’avoir des habitudes et des repères. S’installer provisoirement dans un lieu agréable, profiter de nos nouveaux amis plus d’une journée, savoir où faire nos courses, ne pas avoir à programmer la suite de son voyage, ne pas faire et refaire constamment son sac, ne pas enchaîner les long trajet en bus, etc.
C’est avec un léger pincement au cœur que nous quittons la merveilleuse ville de Carthagène.
Vamos a la playa señor Zorro
Nous passons deux belles journées dans le parc de Tayrona. Une promenade le long du rivage de la mer des Antilles nous mène jusqu’à notre premier campement. Malgré la chaleur écrasante, nous résistons à l’envie de nous rafraîchir dans les eaux tumultueuses. Régulièrement, nous rencontrons des drapeaux de pirates et des panneaux rappelant le nombre de noyés. Nous nous contentons donc d’admirer les vagues déferlantes. Près de notre bivouac se trouve une plage sauvage de sable blanc autorisée à la baignade. Elle se situe derrière une chaîne de grands rochers où les immenses vagues viennent se briser. Nous nous amusons à nous laisser porter par le courant, qui reste malgré tout très fort. Nous dînons en compagnie de quelques perroquets chapardeurs et passons la nuit chacun dans un hamac, profitant de la fraîcheur du soir.
Le lendemain nous partons en direction du hameau de Pueblito Chairama, découvrir des ruines pré-hispaniques. Pendant plusieurs heures, nous marchons à travers la forêt exubérante et inextricable, gravissant parfois des éboulements de rochers. Au village, il ne reste plus grand-chose : de grandes terrasses, des dessins gravés sur de grandes pierres, une douzaine de maisons rondes au toît de chaume. Plus que le site, nous apprécions surtout la traversée de la forêt, escalader les rochers, découvrir des arbres immenses et des plantes étranges.
La Colombie ne cesse de nous surprendre. Loin des clichés communs en Europe, nous découvrons chaque jour un pays accueillant et passionnant. La côte nord, contrée de soleil, de fruits juteux et de musique, a été dans notre voyage au long cours un intermède délicieux. Comment ne pas apprécier un pays où l’on s’adresse à vous par des « querido », « mi amor » ou « corazon » ?
C’était la première fois :
- qu’on « dansait » la salsa (à notre niveau je ne sais pas si on peut appeler ça de la danse)
- qu’on nous offrait de la bière à l’école
- que nous passions la nuit dans un hamac
Claude
J’attendais avec impatience un nouveau reportage, il est superbe. Vos photos sont génial. Est ce que vous allez faire un reportage sur l’île de Pâques?
Encore merci.
Timothé Claude
Romain
Merci Timothé !
Ca nous fait vraiment plaisir de t’avoir comme lecteur.
L’article sur l’île de Pâques est prévu mais avant il nous faut écrire ceux sur l’Equateur, le Pérou et la Patagonie.