Il existe sur terre des endroits où le temps s’écoule plus lentement qu’ailleurs, où le passé et le présent se croisent, se confondent, où les cultures ancestrales n’ont pas perdu de leur valeur. La Birmanie, restée longtemps repliée sur elle même, est l’un de ces pays magiques qui vous transportent au delà des limites du temps.
Après d’agréables « vacances » sur les plages du Cambodge, nous rêvons à présent d’aventures, de découvertes, de rencontres. Rejoindre la Birmanie depuis le Cambodge par voie terrestre nécessite de passer par la Thaïlande. Depuis quelques mois seulement, les « farangs » sont autorisés à traverser la frontière thaïlandaise à Mae Sot pour atteindre la Birmanie. Une aubaine pour nous qui nous entêtons à ne pas prendre l’avion.
Impatients de découvrir les coins les plus reculés de ce beau pays, nous traversons le Pont de l’Amitié qui relie les deux nations par dessus les eaux de la rivière Moei. Les formalités de passage sont très simples. Passeports tamponnés, nous prenons sans tarder un taxi partagé jusqu’à Mawlamyine, la première capitale de la Birmanie britannique, entre 1827 et 1852.
Serrés à l’arrière d’une voiture nous empruntons une route tortueuse complètement défoncée et boueuse. Elle est si étroite qu’on ne peut l’emprunter que dans un seul sens ; chaque jour, la circulation est alternée. Doubler les véhicules nécessite par moment de rouler dans les fossés. Parfois, nous restons coincés, attendant patiemment que les camions passent laborieusement les virages serrés. Nous prenons progressivement de l’altitude et nous nous enfonçons dans la brume. De temps à autre, le brouillard se dissipe quelque peu pour nous montrer les versants abrupts de la montagne. C’est une des routes les plus dangereuses que nous ayons emprunté. A l’abord des temples, de jeunes filles en habits traditionnels tendent vers les véhicules de grands bols couleur argent pour récolter les offrandes.
Mawlamyine, au repos le long du lent Salouen
La ville de Mawlamyine nous offre un nouveau décor, un dépaysement total par rapport aux autres pays d’Asie du Sud-Est que nous avons parcourus.
Ici les habitants sont vêtus de sarongs, longue pièce de tissu cylindrique nouée autour de la taille, comme une jupe. Ce vêtement confortable a été adopté à l’époque des colonies britanniques. Ceux des femmes sont joliment décorés alors que les hommes préfèrent des sarongs plus sobres. Les femmes ont également conservé une pratique vieille de plus de deux milles ans : le thanaka. C’est une poudre parfumée, couleur ivoire, qu’elles utilisent pour se maquiller le visage. Vraie recette de beauté, protégeant du soleil, elles en tartinent leurs joues et ceux de leurs enfants.
Situé le long du fleuve Salouen, le centre de Mawlamyine est un lieu agréable où nous aimons nous promener. Dans cette ville où la végétation envahit patiemment les vieux édifices britanniques laissés à l’abandon, les birmans semblent mener une vie paisible. En fin de journée, quelques hommes s’installent le long du fleuve pour discuter, tout en regardant les couleurs changeantes du ciel couchant se refléter dans les eaux calmes. A cette douceur de vivre s’opposent les marchés très animés et bruyants où se rencontrent birmans, indiens, chinois, shan, môns, karens et beaucoup d’autres minorités.
Au hasard de notre ballade, nous visitons quelques temples, tous construits dans un style différent. Le temple Mahamuni dont les murs intérieurs sont recouverts de miroirs nous rappelle les mosquées iraniennes. Au temple Kyaikthanlan Paya, nous nous promenons sur les hauteurs de la ville, entre des stupas recouverts d’or.
Dans les entrailles du géant
Nous nous éloignons quelque peu du centre. Ici la ville a plutôt des allures de villages. Les vieux immeubles ont laissé place à de petites maisons sur pilotis. Les enfants jouent sur les chemins et nous font des signes de la main. Nous constatons avec joie que les habitants sont tout aussi souriant que les Cambodgiens ou les Laotiens.
Outre le sourire des birmans, leur ferveur religieuse est également très visible de par les nombreux sites religieux présents dans la région. La ville est entourée de collines dont les cimes sont parsemées de pagodes et couronnées de stûpas dorés. Sur la colline de Yadana, aux alentours de Mawlamyine , est couché le Bouddha Win Sein, actuellement la plus grande statue de bouddha que le monde ait jamais connu : 200 mètres de long, 34 mètres de haut, des yeux de plus de 7 mètres de diamètre ! A coté, d’autres bouddhas encore plus imposants sont en construction. Ce lieu s’apparente plus à un parc d’attraction qu’à un lieu de recueillement; l’on y trouve des stands de nourriture, des enfants qui courent dans tous les sens, un toboggan qui aboutit dans un bassin d’eau et une musique tonitruante qui vous donne l’envie de danser. Chaque année s’y déroule même un festival pendant lequel des combats de muay thaï sont organisés. Le plus étonnant reste la visite des entrailles du colossal Bouddha. Nous y entrons par l’oreiller géant. Nous nous perdons dans ce corps labyrinthique de trois étages dans lequel sont exposés des statues à taille humaine représentant des scènes de la vie du Bouddha et des tableaux plus curieux comprenant des démons, des animaux étranges, des femmes dénudées, etc.
Nous visitons aussi le Nwar La Boh, un groupe de rochers sacrés tenant en équilibre les uns au-dessus des autres grâce à un cheveu de Bouddha. Pour rejoindre le lieu saint, nous montons à l’arrière d’un camion avec une vingtaine d’autres visiteurs. Le véhicule bondé de pèlerins s’engage sur la piste pentue qui gravit la montagne. Nous formons un groupe compact, penchant alternativement d’un côté ou de l’autre suivant la courbure des virages, tout cela dans une ambiance très bon enfant. Au sommet, les pèlerins collent des feuilles d’or sur les rochers en récitant des prières et allument des bâtons d’encens. Nous profitons également d’une très belle vue sur les environs de Mawlamyine. L’autre « attraction » en cet endroit sacré, c’est Romain ! Les Birmans, encore peu habitués à voir des Occidentaux, sont très contents de poser avec lui et de prendre des photos.
Cela fait seulement quelques jours que nous sommes en Birmanie, et pourtant nous l’aimons déjà. Ces premières images du pays nous laissent espérer de belle rencontres et de belle découvertes. Notre prochaine étape, Yangon, ne nous décevra pas.
L’attrait des vieilles (capitales)
Yangon fut la capitale de la Birmanie britannique, puis indépendante à partir de 1853. Elle restera la capitale du pays jusqu’en 2007.
Notre hôtel calme, sombre et climatisé, se situe au coeur du centre-ville. A chaque fois que nous en sortons, nous sommes submergés par une multitude de sensations. La lumière éblouissante du jour nous aveugle, le soleil cogne sur nos têtes, la circulation terrible gronde dans les avenues engorgées, les voitures klaxonnent, les odeurs de curry et de friture nous enveloppent. La chaleur, les couleurs, le bruit, les odeurs, tous nos sens se bousculent pour se mettre en éveil. Chaque matin, nous avons l’impression d’être projetés, propulsés, catapultés dans un monde différent, une autre réalité. Comme si nous sortions de la petite cabine bleue du Docteur Who.
Nous nous arrêtons dans des boui-bouis dont les petits tabourets et les tables en plastique sont installés sur le trottoir. Pour le petit déjeuner nous prenons du riz au curry et du café au lait sucré, un boisson à laquelle nous deviendrons très vite accros. Nous regardons les jeunes filles sous leurs ombrelles passer devant les vieilles bâtisses coloniales qui semblent défier le temps. Les plantes envahissantes grimpent le long des murs fissurés et s’emparent doucement des façades aux tons pastels, comme si la nature tentait de coloniser la vieille ville de Yangon.
Au coin de la rue, les chauffeurs de rickshaw, assis en tailleur, attendent les clients tout en mâchant des noix d’arec enrobées de feuilles de bétel. Ici tous les hommes sont friands de cette préparation, ils en mâchent à toute heure de la journée, ce qui les fait saliver et cracher sans répit. La noix d’arec donne aux crachats une couleur rouge vif. La plupart des rues sont souillées de tâches écarlates et les birmans ont souvent un sourire sanguinolent.
Sur la rue des marchands, comme sur beaucoup d’autres rues, sont alignés les vendeurs de « masala dosai« , de journaux, de thanaka, de bétel, etc. Tous les espaces du trottoir sont occupés et plein de vie. Dans ce grand damier qu’est le centre-ville, beaucoup de ruelles ont aujourd’hui leur spécialisation. L’on trouve la rue des imprimeurs, celles des laveries, celles des coiffeurs, etc. Quand nous passons dans la rue des réparateurs de postes radio, nous sommes amusés et étonnés d’entendre une version birmane de la Lambada.
Nous flânons dans ces vieux quartiers, les yeux écarquillés, découvrant à chaque instant de nouvelles odeurs, de nouvelles saveurs et de nouvelles curiosités. Nous arrivons ainsi jusqu’au coin des libraires ; des centaines voire des milliers de livres empilés sur tous les sujets possibles et imaginables, allant du bouddhisme aux catalogues Ikea en passant par la trilogie de Star Wars. Grand amateur de vieux bouquins, Romain farfouille inlassablement dans ces antiquités. Nous sommes très surpris de voir plusieurs livres sur Aug San Su Kyi , la fameuse opposante politique. Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des portraits de Aug San et de sa fille dans les journaux, dans les stations de bus ou autres endroits publics.
Yangon c’est aussi la rencontre de plusieurs peuples, un mélange de religions et de cultures. Les Indiens (ethnie la plus représentée avant la seconde guerre mondiale) et les Chinois y sont très nombreux. Bien que la grande majorité des habitants soient bouddhistes, on trouve un temple hindou et des églises chrétiennes non loin de la splendide pagode de Swedagon.
Après avoir goûté à la douceur de vivre des pays comme le Laos et le Cambodge, ces débuts en Birmanie nous donnent un nouvel élan dans notre voyage. Nous quittons l’animation des rues et les vieilles bâtisses coloniales de Yangon, pour nous diriger à présent vers la capitale du dernier royaume d’Arakan, au fin fond du pays. Là où, au cœur de la campagne birmane, des centaines de temples et stûpas nous attendent depuis plus de cinq cent ans.
- que nous goûtions au betel
- que Sophie utilisait du thanaka
- que nos sacs voyageaient avec du poisson séché dans la soute d’un bus et que nous étions obligés de laver TOUTES nos affaires pour échapper à l’odeur
Nathalie @ Voyageurs Sans Frontières
Quelle belle découverte! Merci pour cet article 🙂
Mini Christine
Bonjour Romain et Sophie !
Quel plaisir de vous retrouver sur la toile et de découvrir ces magnifiques photos ! C’est un très beau reportage et cela me rappel les bons souvenirs partagés ensemble à Loikaw !
Ou en êtes vous de votre périple ? Etes-vous toujours en Asie ?
Avec Patrick, nous vous souhaitons le meilleur, à bientôt de partager de vos nouvelles.
Sincères amitiés.
Patrick et Christine
Sophie
Merci Christine ! Nous sommes toujours en Asie, en Malaisie depuis peu. Nous pensons passer en Indonésie et aux Philippines avant de rejoindre l’Amérique de sud.